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Entretien avec Delphine Ravisé-Giard, présidente de l'Association Nationale Transgenre

Pourriez vous vous présenter ?

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Je suis Delphine Ravisé-Giard, présidente de l'Association Nationale Transgenre (ANT) depuis 2014. L'ANT a été créée en 2004  sous l'appellation "Trans Aide", structure que j'ai rejointe en 2006 en tant que secrétaire nationale. Je suis une personne transgenre, lesbienne assumant depuis 2006 une identité de genre différente de celle définie à ma naissance sans pour autant changer d'activité professionnelle, mais pas sans faire face à la transphobie de l'état (non respect du genre, de la civilité, harcèlement, etc.). Mon engagement associatif a pour but de permette aux personnes transgenres de bénéficier d'une expérience et d'un soutien que j'ai moi même eu quand j'en avait besoin.

 

Où en est, en France, la question des mineurs trans ?

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La France et la question des mineurs transgenre, c'est une histoire d'un long tabou. Situation qui perdure encore aujourd'hui en 2017. Si 2016 et 2017 voient sortir dans les médias télévisuels des émissions sur les ados transgenres, assez peu d'émissions ou de sujets dans les médias écrits abordent la questions des pré-ados transgenres en France (http://www.marieclaire.fr/,enfants-transgenres-dans-la-peau-de-jim-11-ans,800160.asp) sans aborder les vrais sujets autre que le corporel. On pourra ainsi remarquer que ces sujets sont toujours traités du côté médical et surtout pathologique sans vraiment parler des vrais préoccupations que sont les questions sociales et les cadres du respect de l'identité de genre : études scolaires, environnement parental, possibilité de parentalité future du mineur transgenre, liberté. Il faut toujours qu'il y ait cette chape médicale pour écraser cette liberté et imposer la "dysphorie de genre", le terme "novlangue" mainstream de "transsexualisme".

Ce que je crains à l'heure actuelle c'est la main mise des équipes médicales autoproclamées "spécialisées" qui stériliseraient de fait les enfants sans leur offrir de choix et de perspective sur leur propre parentalité en normalisant les coprs (comme pour les personnes intersexes d'ailleurs). Stériliser les adultes devient de fait de plus en plus compliqué aujourd'hui, mais ne pas rendre fertile des enfants et ados est une façon détournée de stériliser une population qui désire se vivre sous un autre genre de plus en plus jeune. On ne parle pas de conservation des gamètes régulièrement refusée par les CECOS, de THS permettant une certaine fertilité,etc.

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La France n'a pas de politiques garantissant la protection des enfants LGBT et encore moins des mineurs transgenres. Tout se fait au cas par cas pour les enfants transgenres, généralement au sein des milieux médicaux et familiaux et peu d'informations sont remontées vers le tissus associatif. Une grande invisibilité est établie de fait par la famille et l'environnement où vit l'enfant (école, périscolaire par exemple). dans le meilleur des cas il s'agirait de "renormaliser" le corps de l'enfant en fonction de son genre. Le manque de lisibilité de respect de la diversité des identités de genre amène immanquablement à donner carte blanche au système médical...

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En France les équipes hospitalières tentent d'établir des protocoles pour les mineurs sur leur propre vision de la pathologie, de la diversité, des identités de genre, obsolètes aujourd'hui. L'offre de soutien, et d'intégration des mineurs transgenres n'est absolument pas à la hauteur des enjeux pour la jeunesse transgenre car une unique vision médicale leur est offerte ainsi qu'à leurs familles. Les autres alternatives que tentent de développer les associations et fondées sur le bien être, l'estime de soi, l'avenir amoureux et familial ne leur sont pas disponibles, ou trop tard...

Le changement d'état civil des mineurs transgenres ne leur est pas ouvert non plus. La France ne reconnaît pas officiellement leur existence.

 

Où en sont les questions de transidentités à l’école ?

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Ces questions sont difficiles à aborder au sein des établissements scolaires. Pourtant le respect des mineurs transgenres commence par ce lieu de socialisation important pour l'enfant . Pour ce qui est des questions de genre et du respect en dehors de toute pathologie médicale, aucune formation n'est faite aux enseignants qui doivent gérer localement les situations. Et le Ministère de l’Éducation Nationale dans sa communication n'est pas d'une grande aide dans la mise en place d'un environnement scolaire "non jugeant".

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L'école reste la fabrique de l'hétéropatriarcat et est surveillée de près par les tenants du maintien de cette fabrique de l'homophobie et de la transphobie, ce qui induit en premier lieu une peur de tout ce qui touche à une approche autre que médicale et pathologique des questions de genre. Sans le soutien clair du ministère, les chefs d'établissements ne prendront aucun risque et doivent gérer ces situations délicates, seules avec les familles.. et les médecins. Souvent l'identité de genre de l'enfant est prise en compte uniquement si il y a certificat médical attestant d'un besoin suite à diagnostic, ce qui n'est pas forcément la meilleur solution car quid du temps qui s'est écoulé pour l'enfant avant cette "solution" médicalisée ?

Ainsi la transidentité à l'école ne relève pas d'une normalité, mais d'une anormalité médicale, pas forcément du meilleur augure pour l'estime de soi de l'enfant et son acceptation : "il est malade, on le soigne et il est pris en charge par des médecins des hôpitaux". On pourrait dire que c'est mieux que rien, que c'est normal car ce sont des enfants, qu'ils vont mieux car pris en charge, mais si on leur offrait un choix démédicalisé et de respect à l'école, quelle serait leur réponse ?


Quelles formes de discriminations et de stigmatisations sont les plus rencontrées par les jeunes trans à l’école, dans la famille ou dans l'accès à la santé ?

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Tout d'abord peu d'enfants arrivent à assumer leur genre dans les cursus scolaires, même si leur nombre augmente. La première raison en est la capacité d'avoir la garantie d'un soutien familial. Si ce soutien n'existe pas il n'y aura pas possibilité pour l'enfant de vivre son identité de genre à l'école ou ailleurs. C'est la première barrière à franchir. Ensuite concernant l'accès à la santé, ce sont les parents qui décident pour leur enfant. Très peu de ces parents prendront la décision de ne pas se conformer au discours pathologique et somme toute rassurant (la culture en France est que le médecin a forcément raison)  de la médecine. L'accès à l'information pour ces familles est compliqué et recourir au cadre d'une association LGBT n'est pas le premier réflexe (homophobie de leur part parfois, préjugés, parole supérieure des médecins face aux discours associatifs, etc.).

Néanmoins certains médecins tentent de mettre en place une offre de santé plus respectueuse et moins pathologique pour l'enfant mais ce sont des praticiens isolés (à ma connaissance seule une telle offre de manière organisée se met en place à Lille).

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Que ce soit à l'école, dans les familles ou dans le système de santé, il y a mé-genrage de l'enfant, tentative de "conformisation" ou de diagnostic de maladie via des séances chez des psy.  Généralement l'enfant refoule sa transidentité si il voit que cela lui porte préjudice, rassurant l'entourage familial et scolaire (on se figure que c'était juste une lubie de la par de l'enfant), mais provoquant des dégâts considérables chez le mineur transgenre qui attendra d'avoir plus d'autonomie pour tenter de s'affirmer au prix d'une perte d'estime de soi.

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La famille est le premier lieu ou sévit l'ignorance, les préjugés, la stigmatisation et de mé-genrage. Ce qui amène parfois à des tentatives de suicide de la part de l'enfant transgenre. A l'école, au collège, au lycéen, les mêmes ressorts fonctionnent et deviennent plus violents en fonction de la tranche d'âge. Le risque étant généralement une absence totale de prise en compte par le milieu enseignant de la transphobie et de ses manifestations. Les conséquences sont tut simplement la déscolarisation de l'enfant transgenre et donc ensuite un sérieux handicap pour rentrer dans un cursus professionnel, car en plus du niveau d'étude peu élevé, la transphobie des adultes et de l'état se rajoute et amplifie la situation. Aussi beaucoup de mineurs transgenres attendent le plus longtemps possible pour assumer leur identité de genre et restent cachés.

Quand au système de santé, il est totalement inadapté aux mineures transgenres. Accès à des actes médicaux est plus que difficile lorsqu'ils ont le soutien de leur famille, et pratiquement impossible dans les autres cas. La grande majorité des médecins les renvoi à des psychiatres pour diagnostiques, sans autre perspectives. Le système de santé est de fait jugeant moral et impose sa vision médicale et pathologique, allant à l'encontre de l'épanouissement de l'enfant.


Quelles parties du système éducatif ou du droit pourraient être améliorées afin de mieux convenir à l’existence de personnes trans mineures ?

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L'ensemble du système éducatif doit être amélioré. Tout d'abord en combattant la transphobie, le sexisme et l'homophobie clairement dès les plus jeunes classes. Montrer la diversité de la population et combattre attitudes et insultes pouvant porter préjudice aux personnes LGBT. Transgenres, gays ou lesbiennes devraient avoir leur orientation sexuelle ou leur identité de genre protégée par le système éducatif. Pour les personnes transgenres, respecter leur civilité et leur prénom en accord avec leur identité de genre. Ensuite permettre à l'enfant transgenre d'utiliser les toilettes et douches appropriées à leur identité de genre.

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Lorsque l'enfant est en conflit avec les parents sur cette question, mettre en place avec les assistantes sociales des mesures permettant à l'enfant transgenre de s'épanouir et mettre fin à une maltraitance parentale. Pour cela il est bien évident qu'il faut sensibiliser l'ensemble des acteurs du système éducatif et cela à grande échelle sur les questions d'identité de genre, introduire des modules d'information pour éviter violences, discriminations et pour finir déscolarisation des enfants transgenres

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Enfin ne pas nier les questions de genre dans l'éducation et permettre de mettre en place des "passerelles" de formation et d'information avec les associations LGBT expertes sur les questions.

Protéger l'enfant pour qu'il s'épanouisse doit être le maître mot du système éducatif.


Quelles formes de discriminations suivent les enfants trans chez eux (sur Internet) ?

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Il m'est difficile de répondre à cette question car je n'ai pas eu de témoignages sur ce sujet. Mais je pense que le harcèlement et l'outing non désiré sont les premières discriminations se propageant dans les réseaux sociaux.

Une vision négative et avilissante des personnes transgenres propagée par des personnes et sites transphobes s'avère être aussi un risque non négligeable pour un enfant transgenre qui e construit. La transphobie des réseaux sociaux peu pousser des personnes à commettre des actes et proférer des paroles à l'encontre des transgenres, notamment les mineures. Ce type de harcèlement récurrent sur Internet eput amener des personnes à les transposer dans la vie réelle puisque "normalisés".

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Dans vos associations : comment accueillez vous les mineurs trans et qu'avez vous mis en œuvre pour les soutenir ?

Deux cas se présentent lorsqu'il s'agit d'accueillir et d'informer des mineurs: les mineurs au delà de 16 ans et les mineurs ayant un âge inférieur.

Au-delà de 16 ans, nous faisons obligatoirement un accueil privé avec une de nos responsables associatives assermentée mais cela peut se faire indifféremment suivant la demande pendant nos permanences mais dans un lieu respectant la vie privée et la confidentialité, ou en dehors de nos permanences sur rendez-vous

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Pour les jeunes d'âge inférieur,  nous demandons une autorisation écrite des parents si ils ne sont pas présents et la présence d'un autre membre de la famille ou d'une assistante sociale. Dans le dernier cas cela se passe en dehors des permanences associatives sans  personnes présentes autres que celles concernées et la ou les responsable associatives. Dans tous les cas les mineures et leurs familles savent par avance qui sera présent lors de rencontre.


En ce qui concerne le soutien, il nous est possible de faire des suivis particuliers avec les familles si elles le désirent.

Nous pouvons réorienter vers des acteurs de santé respectueux des personnes transgenres si demandé par la personne transgenre mineure.

Nous somme aussi présentes lorsqu'il s'agit d'accompagner les parents de l'enfant transgenre afin de garantir un environnement familial respectueux de l'enfant, condition importante pour son épanouissement.

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